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7 décembre 2018 5 07 /12 /décembre /2018 18:29

Vendredi 7 décembre 2018

Gilets Jaunes : la CGT divisée, la Confédération à reculons...

 

Voilà un mois que ça brasse partout, que le mouvement prend de l’ampleur. Sur les blocages, lors des manifestations des samedis, se développe un véritable « mouvement populaire » avec toutes ses confusions, toutes ses contradictions.

Depuis l’origine nous, militants CGT, sommes traversés d’interrogations, de doutes et néanmoins de volonté d’être présents. Il faut dire que la mobilisation dans ce mouvement de tout ce que l’extrême-droite fait de fachos et de nazillons fait réfléchir – c’est bien le moins.

Nos militants ont été traversés de plusieurs courants :

  • Celles et ceux qui ne voient que la spontanéité du mouvement et qui veulent rester aveugles au dérapages racistes, sexistes, homophobes. Ceux pour qui « le mouvement est tout », le but n’est rien. 
  • Et à l’inverse, celles et ceux qui refusent absolument de s’investir dans un mouvement brut, pas clair, et où on risque de côtoyer l’extrême-droite. C’est Martinez qui refuse de manifester le 17 novembre sous ce prétexte.
  • Rares étaient les militant(e)s investis sur le terrain, tout en maintenant la lutte politique contre tous les dérapages identitaires et fascisants.

 

Les semaines passées ont éclairci un peu la situation.

Tout d’abord, la confusion a fait émerger quelques revendications de base, partagées par tous :

  • Hausse du SMIC et des retraites
  • Annulation des taxes
  • Retour de l’ISF
  • Défense des Services Publics dans les régions
  • Macron démission.

Les revendications identitaires, racistes et anti-migrants (voir « La CGT Douanes, les migrants, les Gilets Jaunes ») sont assez marginalisées – quoique persistantes autour du pseudo Pacte de Marrakech, et ce sont les revendications matérielles et sociales qui prennent le dessus (« Ca peut plus durer ! ») terrain sur lequel l’extrême droite n’est pas à la manœuvre (Le Pen s’est déclarée contre la hausse du SMIC, à rappeler encore et encore).

 

Et par voie de conséquence, on a vu de plus en plus de camarades de la CGT, de structures, s’investir dans les blocages et tenter la convergence avec les Gilets Jaunes, parfois difficile tellement les méfiances sont grandes à l’égard des organisations institutionnelles et officielles. De Tourcoing à Toulouse, de Brest à Chambéry et Montélimar et bien ailleurs, les camarades les plus combatifs sont sur le terrain, et c’est cela qu’il faut faire. Maintenant, des fédérations s’engagent de plus en plus nettement pour construire cette convergence (Chimie, Services Publics par exemple). De leur côté, les Territoriaux de Paris appellent à manifester aux côtés des Gilets Jaunes.

On ne méprise pas le peuple en colère, quelles que soient ses contradictions et ses confusions, on participe pour éclaircir les enjeux et dégager les fachos. Voilà notre objectif.

 

Au niveau confédéral, c’est autre chose.

Depuis le début, Martinez est silencieux. Oh, certes il reconnaît la légitimité de la colère qui s’exprime dans ce mouvement, mais il reste en retrait. Et là, en 48 heures, les choses viennent de se décanter d’un coup.

D’une part, on voit apparaître la signature de la CGT sur un communiqué intersyndical (ci-contre) absolument scandaleux, qui ose dire que « le gouvernement a ouvert la porte du dialogue », et par ailleurs « dénonce toute formes de violence dans l’expression des revendications ». Tout en ne donnant aucune perspective de participation au mouvement. Et bé avec ça, elle est pas gagnée la convergence !!! Quelle honte. Alors que le gouvernement massacre les manifestants et les lycéens, tir tendus de flash-ball et les mutilations qui vont avec, gazages, massacre au Burger King, humiliation des lycéens à Mantes la Jolie, mort d’une vieille dame à Marseille (tuée par les gaz au quatrième étage de son immeuble !!!), un jeune dans le coma à Toulouse, c’est une violence jamais vue qui s’abat sur les protestataires. Ce n’est pas un hasard si on se rappelle la mort de Malik Oussekine tué par les voltigeurs de la police le 6 décembre 1986, triste anniversaire. La violence, ce n'est pas celle des revendications, c'est celle du capitalisme et de l'État de classe qui le représente, c'est quand même le B.A. BA du syndicalisme...

 

Cette signature de la CGT a provoqué une réaction immédiate dans nos rangs, et nous nous en félicitons. L’UD de la Haute Garonne a dénoncé immédiatement, de même que la FNIC (voir ci-contre) et de multiples structures prennent position peu à peu (UL de Harfleur, UL Bordeaux Nord, Energie Paris etc.). Cette réaction immédiate est inédite, d’autant que les structures ne font pas dans la langue de bois : la CGT doit retirer sa signature.

 

Le problème, c’est que ce n’est pas un bug.

Nous publions ci-contre l’interview complète que Martinez a donnée au journal Le Monde ce matin, et dont les militants n’ont retenu que le titre « Touchez pas à nos enfants ». Le reste de l’interview est on ne peut plus clair : pas de convergence avec les Gilets Jaunes, pas de participation aux manifestations. Tout au plus il admet du bout des lèvres qu’il y a quelques initiatives locales, mais sans aucune directive pour les développer, bien au contraire on sent bien qu’il n’est pas d’accord.

Martinez, comme l’intersyndicale, est dans la logique ultra-réformiste de l’interlocuteur représentatif et nécessaire. Les élections de la fonction publique sont passées, plus besoin de faire semblant, maintenant il faut que le gouvernement reprenne les discussions avec les « organisations intermédiaires ». La colère du peuple sur le terrain, on s’en tape.

Ainsi, il n’y a pas de « double jeu » de la CGT comme l’imagine le Figaro, il y a une seule posture, la même que depuis toujours, pour se poser en interlocuteur responsable. Revenir à l'époque de Thibault du temps de Sarkozy (voir « Sarko/Thibault, le pacte de reconnaissance tacite »). Et d’un autre côté, on tient quelques phrases ronflantes pour satisfaire la base énervée… Vieux classique quand même, non ?

 

Du coup, on comprend mieux le communiqué interfédéral du 5 décembre (que l'on trouvera ICI), publié par les fédérations de l’Agro, de la Chimie, des Ports et Docks, du Commerce, des Cheminots, de l’Energie et des Transports. Au début, on l’a compris comme une petite manœuvre, dans le cadre de la préparation du Congrès de l’an prochain, de la part de fédérations plus ou moins proches de la FSM. D’autant qu’il n’y a absolument rien dans ce texte vraiment contradictoire avec l’orientation confédérale, même pas d’appel à la convergence avec les Gilets Jaunes.

Bien sûr, la manœuvre existe, personne n’est dupe. Mais très probablement, les fédérations signataires sentaient le vent venir de la manœuvre avec l’intersyndicale (avec probablement de ce côté là la Métallurgie en pointe, la FD la plus droitière de la CGT en ce moment) et ont décidé de tenter de la torpiller. Dommage que ce n’ait pas été plus explicite, assez difficile à suivre et obscur pour les non initiés !!! Manœuvres de bureaucrates entre eux ? Bien sûr. Mais sur fond de lutte de classes.

 

Les enjeux se sont éclaircis.

Il faut participer au mouvement. Défendre les revendications des Gilets Jaunes qui rejoignent pour l’essentiel les revendications CGT. Combattre sans hésitation toutes les dérives racistes, sexistes et homophobes, dégager l’extrême-droite en embuscade.

Organiser la convergence gilets rouges et gilets jaunes, avec toutes les entreprises en lutte, avec les lycéens et étudiants.

Participer aux blocages, aux manifestations, protéger les jeunes, affirmer notre identité et notre combattivité de classe.

C’est le capitalisme qu’il faut abattre, et ce combat on y participe !
 

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commentaires

5
Voilà comment ce gouvernement traite son peuple : dites-le autour de vous, faites passer le message, y compris hors de l’hexagone, le monde doit savoir.Ce gouvernement et ce depuis une certain Sarkozy traite le peuple français comme un ramassis d’inférieurs alcooliques,fainéants voire de « racailles ».Pourtant les gouvernements successifs depuis 2005 (résultat du référendum bafoué)sont évidemment responsables de la situation actuelle de la France :comptes publics dégradés,dette abyssale,chômage explosif,balance du commerce extérieur lourdement déficitaire,services publics en souffrance,conditions de vie d’une majorité de Français dégradées,inégalités sociales ne cessant de s’accroître…etc.<br /> <br /> En guise de réponse à de légitimes préoccupations et à de non moins légitimes revendications le gouvernement tempête,pérore et cogne :des hommes,des femmes et même des enfants,des adolescents de tous âges et de toutes conditions ont été victimes d’une répression policière et judiciaire d’une rare violence,d’une répression aveugle et inédite,ordonnée par un pouvoir exécutif en panique.Certains de nos concitoyens ont été jetés en prison pour avoir lancé un fumigène ou avoir organisé une réunion sans autorisation dans un lycée !<br /> <br /> Comble de l’incohérence et de la bêtise : le gouvernement appelle les Français à « débattre »en prenant soin d’indiquer par avance que leurs doléances n’entraineront aucun changement de politique.Le dialogue est donc de pure forme, il doit être un simulacre, une mascarade pour ne pas répondre aux exigences d’un peuple ainsi tenu dans la minorité.<br /> <br /> C’est pourquoi nous devons amplifier la protestation afin que ce gouvernement cesse de multiplier les mesures répressives et rétrogrades (notamment à l’égard des plus vulnérables)et engage de véritables négociations sur la base des revendications des Gilets Jaunes.Les syndicats et organisations professionnelles et au-delà l’ensemble des corps intermédiaires,au nom de l’intérêt supérieur de notre pays,ne peuvent plus rester dans l’expectative :ils doivent clairement apporter leur appui,leur soutien à un mouvement pacifique,citoyen et représentatif d’une majorité de Français(es) !<br /> <br /> Vive la France, vive le génie du peuple français, peuple des droits de l’homme !
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G
Continuons de taper sur la Conf CGT et sa réponse qui aurait dut être ceci ou cela... ce dont soit dit en passant les Gilets Jaunes se fichent.<br /> Ça nous occupe, et pendant ce temps là dans le passage syndical c'est la CFDT qui occupe tout l'espace.
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E
Et peut-être que si la CFDT occupe l'espace, c'est que la CGT ne le fait pas correctement, non ?
G
Super l'article. Pour notre part section syndicale au musée du Louvre, nous avons rejoint ce mouvement à Paris dès le 17 novembre car effectivement notre expression CGT doit exister avec ceux des gilets jaunes les plus ouverts. Il est certain que l’extrême droite est présente dans ce mouvement et il est aussi indispensable de toucher une population qu’on ne voit pas dans les dernières manifestations. Nous pensons donc que plus des militants progressistes et antifascistes seront présents, plus l’extrême droite se sentira marginaliser avec ses revendications sans liens avec la souffrance d’une population. A Paris, pour l’instant la présence des militants antifascistes et syndicaux est cependant faiblarde par rapport à des groupes de droites à l’aise. Au bout de plusieurs semaines il est comme tant de se bouger et montrer ses couleurs !
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G
Je suis entièrement d’accord avec vous. C'est une insurrection populaire et il faut l'investir, en tant que militants progressistes et anti fascistes.
X
L'article est repris ici https://humaniterouge.alloforum.com/revolte-gilets-jaunes-juste-t7082-1.html <br /> Ce que Guilluy appelle "la France périphérique" est une réalité : services publics détruits, centre d'impôt, poste, maternités, lignes locales supprimés... le goudron qui fout le camp sur les routes, les commerces désertés, les lignes téléphoniques qui traînent dans l'herbe ou sur des piquets des mois durant, la circulation de plus en plus dense sur les routes de campagne parce que le travail est loin. Et j'en passe. Tout cela c'est la vérité et la démagogie fasciste n'a pour origine que le réformisme et la collusion avec une "gauche" haïe.<br /> L'UD CGT avait d'emblée pondu un tract mensonger dénonçant le rejet de l'impôt par les gilets jaunes "tout pour ma gueule, etc." Le 1er décembre ses responsables ne sont même pas venus à la manif et n'ont fait aucun appel public. C'est la base qui a manifesté en tête de cortège devant les gilets jaunes et que cette attitude a profondément choquée. Notre UL a apporté des vivres au rond point le plus proche. Sauf une infime minorité (les fachos d'ailleurs) ce sont vraiment des pauvres pour la plupart. Cette retraitée mange une fois par jour, celui-là rencontré le 1er décembre est édenté parce que la mutuelle est trop chère, ou bien cet artisan bûcheron qui se brise le dos : ils vivent dans la misère de l'oppression et de l'exploitation capitaliste. Les snober qui plus est avec des prétextes "antifascistes" c'est le même mépris que celui du cadre d'entreprise donneur d'ordre pour l'ouvrier de la sous-traitance qui travaille avec sa bite et son couteau. Le fond du sac est que les monopoles siphonnent les PME et TPE, de telle sorte que les petits patrons surexploitent leurs ouvriers. Et pour bien faire on les traite de fachos parce qu'ils ne sont pas syndiqués. Il faut vraiment repartir de la base, des intérêts matériels des plus exploités, et arrêter de se boucher le nez parce qu'il y a des fachos dans le peuple. Le vrai fascisme vient du grand capital.
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X
Salut, nous avons réagi à un tract de l'UD chez nous qui dénonçait chez les gilets jaunes le rejet de l'impôt "tout pour ma gueule etc."<br /> Visiblement les responsables qui ont pondu ces arguments mensongers prenaient en compte la démagogie de Wauquiez au lieu de partir des besoins réels des plus exploités.<br /> NB le même Wauquiez appelait à l'état d'urgence après avoir enfilé le gilet jaune !<br /> Je précise que vivant en campagne, la réalité de la "France périphérique" on la vit au quotidien : services publics détruits, lignes téléphoniques attachées à des piquets ou traînant dans l'herbe, commerces désertés, routes réparées avec trois pelletées de goudron, lignes ferroviaires supprimées, maternités itou, circulation de plus en plus fréquente des voitures sur les chemins de campagne pour se rendre à des boulots de plus en plus éloignés, etc. etc.<br /> Nous avons défendu en section l'idée que le petit patronat est effectivement opposé à ses salariés lorsqu'il demande la suppression des cotisations, mais aussi essoré par les donneurs d'ordre, et que les grands monopoles siphonnent les profits du pays. Ce qui permet de comprendre la base matérielle et sociale des gilets jaunes au lieu de faire une fixette sur les idéologies qui traînent réellement, mais pas de façon majoritaire. Se couper du peuple au prétexte qu'il y a des fascistes dedans est une position stupide et suicidaire. Les faits ont montré que les revendications qui émergent sont pour l'essentiel justes et correspondent aux besoins de masses.<br /> Il existait une possibilité d'obtenir certaines d'entre elles par des grèves à caractère national, mais cette possibilité a été anéantie notamment avec le recul des routiers et d'une façon générale par l'apathie du syndicat, à l'exception de certaines actions locales.<br /> La manifestation du 1er décembre s'est tenue sur le même parcours et devant les gilets jaunes, malgré un appel quasi confidentiel et l'absence des principaux responsables de l'UD qui a choqué plusieurs d'entre nous.<br /> L'UL a apporté des vivres aux gilets jaunes qui tenaient un rond point. A l'exception d'une poignée de fachos reconnaissables à leurs tenues plus chic, ce sont des pauvres gens, frappés durement par le capitalisme. Cette retraitée ne fait qu'un repas par jour, celui-là rencontré le 1er décembre est édenté parce que la mutuelle est trop chère, celui-ci est artisan bûcheron et survit en se cassant le dos, c'est le peuple et sa colère est légitime.
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