Jeudi 20 septembre 2018
Une rentrée sociale et un 9 octobre en trompe l'oeil
Après les échecs successifs du mouvement social contre la loi Macron, puis des cheminots contre la remise en cause de leur statut (voir un bilan avec des éléments intéressants ICI), la rentrée est étrange.
Ce ne sont pas les motifs de mécontentement et les conflits qui manquent.
Inutile de faire une liste à la Prévert. On ne soulignera que trois conflits symptomatiques
- L’effervescence autour de l’usine Ford de Bordeaux (celle de Philippe Poutou). Après des années de lutte pour l’emploi (on en parlait déjà en 2008, il y a dix ans ! « Appel de la CGT Ford : mobilisation générale pour la défense des emplois »), il semble bien qu’après bien des promesses non tenues, Ford restructure le groupe et veut fermer son usine, comme il s’attaque à d’autres usines en Allemagne ou ailleurs.
Une nouvelle manifestation est prévue de samedi 22 septembre à Bordeaux, une de plus pour sauver l’emploi…
- La grève de 100 jours à l’hôpital psychiatrique Pinel à Amiens, sur « avis de KO social », pour les effectifs, la réouverture d’unités et la défense des soignants comme des patients. Une table ronde a (enfin) lieu en préfecture le 25 septembre (avec un rassemblement à 16h à Amiens), enfin un petit pas dans un conflit exemplaire – il faut aller voir leur Facebook pour mesurer leur détermination. Ce n’est que la suite des multiples conflits dans la santé (au CHU de Nancy par exemple) qui secouent la profession depuis quelques années, suite aux restructurations massives dans le secteur et aux multiples suicides (médecins, infirmie(re)s) qui ont choqué tout le monde (voir « EHPAD publics ou privés : soignants épuisés, patients en danger » ou « La santé c’est un droit, patients et personnels en danger »).
- Le conflit des Postiers des Hauts de Seine depuis le 26 mars dernier, avec le licenciement d’un dirigeant de SUD-PTT, Gaël Quirante, contre les suppressions de postes, la restructuration de l’administration pour augmenter la rentabilité du service. Un rassemblement à lieu aujourd’hui même au tribunal de Nanterre à 10h30 pour empêcher Gaël Quirante de militer ! Participons à la collecte de soutien !
On pourrait aussi parler des restructurations à Carrefour, où les lettres de licenciements pleuvent, de la mobilisation contre la fermeture du Mac Do à Marseille, de l’élargissement du travail du dimanche, qu’il s’agisse de Toyota Onaing (voir le tract), de PSA Mulhouse (voir l'interview de Julien Wolstyn délégué CGT) ou de l’ouverture des magasins (voir aussi le tract).
On pourrait parler des délocalisations qui se poursuivent, aujourd'hui les destinations « à la mode » sont toujours la Pologne et le Maghreb, mais bien d’autres aussi, là où on trouve des travailleurs moins bien payés, moins revendicatifs, plus exploitables.
On pourrait aussi parler de la « Qualité de la Vie au Travail », vous savez la nouvelle formule médiatique choc, pour éviter d’avoir à se salir la bouche avec le mot pénibilité un peu trop « exploitation » à leur goût, disparu des radars. De cela, on en reparlera.
Quant aux chômeurs invités à traverser la route pour trouver du travail, on peut s’attendre à une attaque sans précédent dans les négociations à venir prochainement… Objectif : forcer le retour au travail dans n’importe quelles conditions, tirer le coût de la force de travail vers le bas pour l’aligner sur la concurrence internationale.
On voit bien que pour les travailleurs, avec ou sans emploi, le maître mot c’est « restructuration ».
C’est cela le capitalisme. L’attaque généralisée, sur tous les fronts, dans tous les secteurs, pour maintenir le taux de profit, la rentabilité, face aux concurrents dans la guerre économique mondialisée.
On peut presque dire (ce n’est qu’une formule) que les patrons non plus n’ont pas le choix. Pour eux, c’est restructurer sans fin, nous serrer toujours plus la vis, ou disparaître, faute de marché ou absorbé par un concurrent.
Quoiqu’on en pense, quels que soient les discours protectionnistes, jamais la concurrence n’a été aussi vive au niveau mondial, jamais le libéralisme n’a été aussi débridé – le Brexit à venir n’en est qu’un exemple de plus.
Ce ne sont donc pas les motifs de révolte qui manquent.
De ce point de vue la journée annoncée pour le 9 octobre pourrait avoir du sens. Et elle n’en a aucun.
Le tract intersyndical d’appel du 30 août (voir ci-contre) prétend à propos des attaques en cours qu’il s’agit d’une « politique idéologique visant à la destruction de notre modèle social » et que « l’heure est à la défense des fondements de notre modèle social »… Alors au premier degré, on comprend « se défendre contre les attaques de Macron », et là d’accord à 100%, bien sûr.
Mais affirmer qu’il s’agit d’une « politique idéologique » est une erreur gravissime qui nous met dans le mur. Il s’agit au contraire de nécessités économiques impérieuses liées aux fondements du système capitaliste – et au fond, tout le monde le sait bien. Qu’il y ait des motivations idéologiques chez certains, c’est évident, mais c’est tout à fait secondaire dans la guerre économique mondialisée - pas un mot ! C’est laisser croire qu’avec « de bonnes idées » on pourrait faire autrement, ce fameux développement humain durable d’un capitalisme à visage humain, sans doute ? Quoiqu’on en pense, quoiqu’on veuille, l’économie, la mondialisation capitaliste imposent leurs règles de fer, ce que ne peuvent pas comprendre les réformistes persuadés de savoir gérer mieux et « autrement » la société actuelle.
Et que dire de « notre » modèle social ??? C’est quoi, c’est qui ce « notre » ? Pour nous, ça veut dire le travail des sans-papiers, la mort au travail, la précarité et la flexibilité, les horaires déglingués, les toxiques chimiques et la pollution, la sélection permanente de quelques-uns pour abandonner la majorité, les salaires de misère, les injustices au travail et en dehors, la loi des BAC dans les quartiers, le racisme, les restructurations, la bureaucratie qui exclue les plus faibles, toutes ces « horreurs capitalistes » que nous subissons depuis des décennies, une vague de restructuration après l’autre. On n’est plus en 1945, le monde a changé, les rapports de force aussi, carrément.
« Notre » modèle social justement ce n’est pas le nôtre. C’est celui du capitalisme en France, celui de l’exploitation et des restructurations capitalistes, décennie après décennie, celui de de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Hollande, Sarkozy, Macron et de tous ceux qui viendront ensuite aux manettes de la gestion !
Quoi d’étonnant à ce que les travailleurs n’y croient plus ? Voilà des années qu’on se bat, le dos au mur, et qu’on enfile échec après échec. On nous a fait rêver avec le pseudo socialisme étatique des pays de l’Est, il s’est heureusement effondré, mais aussi pas mal d’espoirs illusoires avec. On nous a fait rêver avec le socialisme libéral, Mitterrand et Hollande nous ont mené au macronisme. Les partis traditionnels se sont corrompus dans la gestion des affaires courantes du capitalisme (qu’il s’agisse du paritarisme ou des municipalités) et pour l’instant rien de neuf à l’horizon. Quant à la France Insoumise qui n’a pas encore eu l’occasion de faire ses preuves, rien que le patriotisme pas très net et l’abandon de toute référence de classe (vous savez, on dit « les gens » à la FI…) ne peuvent que nous inquiéter. Alors rien d’étonnant à ce qu’une part de résignation se développe, même si la colère sourde est toujours là en arrière-plan.
L’heure est venue de se regrouper, de s’affirmer en rupture véritable avec le capitalisme. De se mobiliser, le 9 octobre ou autrement, sur de grands axes qui indiquent la voie de notre libération.
Alors,
- Exigeons le maintien de tous les emplois, le « zéro chômeur » de plus !
- Travaillons tous, moins et autrement, avec l’embauche des précaires et des chômeurs, et le refus de toute augmentation des horaires.
- Refaisons vivre le combat contre la pénibilité et l’exploitation, contre tous les horaires atypiques
- Battons-nous sans concession pour l’égalité des droits et la régularisation de tous les sans-papiers
- Défendons l’école et la santé gratuites pour les exploités, avec les postes et les équipements nécessaires hors de toute exigence de rentabilité et de sélection.
On ne défend pas un modèle social, on défend les intérêts des travailleurs pour leur libération !
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