Vendredi 17 août 2018
Air France : un communiqué puant de l'Intersyndicale
On le sait, la situation sociale est tendue à Air France, dans un contexte de restructurations permanentes dans la guerre économique mondialisée. Les conflits se succèdent (on se rappelle "la chemise déchirée" et la répression qui a suivi, voir le dossier ICI), les grèves du personnel volant s’enchaînent sur un contenu qui mériterait d’ailleurs discussion, et la crise sociale a abouti à la démission du PDG et à son remplacement.
Les actionnaires d’Air-France KLM (l’Etat français 14%, Delta Air Lines 9% et China Eastern 9%, le reste dilué) viennent de désigner un nouveau PDG, le canadien Ben Smith. Voilà qui doit intéresser – on doit toujours suivre les choix de nos ennemis, mais ce n’est quand même pas trop nos affaires. Qu’il s’agisse de Spinetta, Gourgeon, de Juniac ou Janaillac, un PDG n’est rien d’autre qu’un PDG et le porteur des choix du capital dans cette guerre économique mondialisée. Guerre qui ne fait que s’intensifier, d’où les plans d’ajustement structurels qui se succèdent, en dégradant à chaque fois la condition des travailleurs. Pas vraiment affaire d’individu (tel ou tel) mais de contexte et de concurrence.
Et voilà l’intersyndicale, dont la CGT et SUD excusez du peu, qui sort un communiqué puant, que nous ne publions ci-contre que pour que chacun ait les éléments sous les yeux.
Ça commence fort : « … du prochain PDG à la tête de NOTRE entreprise… ». En majuscule dans le texte.
C’est quoi cette blague ? Retour en force de ce fameux « esprit d’entreprise » qui a fait tant de dégâts à la lutte des classes ? Défendre les choix de NOTRE patron ? Air France c’est une entreprise capitaliste mondialisée, qui joue dans le contexte de la mondialisation libérale. Les travailleurs sont la chair à canon de cette guerre économique qui n’est pas la nôtre. Ce n’est pas « NOTRE » entreprise, c’est juste le lieu de notre exploitation.
Ensuite, la critique glauque et patriotique de la nationalité canadienne du futur PDG… Mais qu’est-ce qu’on s’en fout ? Voilà bien longtemps que l’impérialisme a abandonné toute velléité nationale et protectionniste, que les zones de protection coloniales ou néo-coloniales ont été démantelées, que les monopoles n’en sont plus et s’affrontent entre eux sur tous les terrains. Mais enfin, personne ne rappelle que la société c’est Air France – KLM, déjà une fusion avec une entreprise néerlandaise, que son actionnariat est multinational ? Le communiqué tente de se justifier en affirmant que cette candidature a été propulsée par un groupe concurrent (US et pas canadien...) qui est par ailleurs un des principaux actionnaires d'Air France, tel est le capitalisme mondialisé !
Le PDG de PSA-Opel c’est un Portugais, Carlos Tavares. Le PDG de Renault-Nissan, c’est Carlos Ghosn, un franco-libano-brésilien. EdF, la SNCF sont des multinationales mondialisées. Et ainsi de suite.
Qu’imaginent les signataires du communiqué ? Pouvoir revenir aux bons vieux temps des monopoles et de la mondialisation coloniale, du protectionnisme et du Fabriquons Français ? C’est amener les travailleurs dans une impasse grave, faire le lit du nationalisme et du protectionnisme et s’empêcher de travailler à une libération véritable.
Et pour finir, bien sûr dans la logique du reste, « ce futur dirigeant devra enfin proposer des projets fondés sur la haute qualité de service vantée par nos passagers et sur l’expertise et la motivation des salariés d’Air France ». Et ben, on n’est pas sortis de l’auberge avec ce programme syndical ! Et si le nouveau PDG est malin, il pourra ainsi même demander aux salariés de retrousser leurs manches hautement motivées pour renforcer eux-mêmes leur propre exploitation…
Alors on va nous dire que c’est un communiqué intersyndical, qu’il faut bien faire des concessions pour conserver l’unité (c’est important à Air France), mais quoi ? On abandonne son âme anticapitaliste ? On se met au cul de FO et du SNPL ? On cherche quoi dans cette affaire ? Quel rapport de force imagine-t-on construire ainsi ?
Pourquoi avoir signé ce communiqué puant ? En quoi cela fait-il avancer les choses ? Au contraire, on est en pleine régression…
L’heure est au syndicalisme de classe, ce qui veut dire nette démarcation avec les intérêts patronaux et impérialistes, avec le nationalisme et le protectionnisme, l'heure est à la solidarité internationale des prolétaires et pas à la surenchère patriotique concurrentielle. La signature de la CGT et de SUD est un affront à la condition des travailleurs, une concession inacceptable à la cogestion pro-impérialiste.
Aux travailleurs les plus conscients de s’en démarquer, il n’y a pas le choix. Le combat, c'est sur l'emploi, les salaires, les conditions de travail, contre la répression, contre l'exploitation capitaliste !
PS : ce communiqué pas frais a été plus ou moins escamoté par une deuxième polémique qui a enchaîné, sur le salaire triplé du nouveau PDG, là ça a du sens. Mais ce qui est écrit reste écrit !