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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 08:02

Jeudi 29 juin 2017

La CGT, Macron et la loi Travail

 

Il est temps de faire le point, les choses se décantent après la période électorale.
Beaucoup autour de nous s’inquiètent du peu de réactions syndicales, essayons d’y voir clair.

 

1)    Petit retour en arrière : les élections présidentielles et la CGT

 

Dans sa déclaration du 24 mars à l’occasion des élections, la Confédération se prononçait « pour le progrès social » ce qui ne mangeait pas de pain, mais se concluait par une formule qui faisait consensus dans le syndicat : «  Nous refusons d’avoir le choix entre le pire et le moins pire. Nous voulons le meilleur ». A l’époque, c’était la position moyenne entre les électeurs du PC, de Mélenchon et de Hamon.

Mais ça n’a pas duré. De glissement en glissement, Martinez a quasiment appelé à voter Macron (voir « La CGT vote Macron sans oser le dire »). Lors d’une interview le 1er mai, il s’en est même pris violemment au Front Social et à une de ses affiches, comme nous l’avons rapporté dans cet article.

Tout cela est connu, mais il est utile de le rappeler avant d’aborder le dossier de la loi Travail XXL. On notera quand même que la CGT n’a eu aucune réaction après l’élection de Macron, n’a pas participé aux manifestations du 8 mai (lendemain de la présidentielle) et du 19 juin (lendemain des législatives), qu’il n’a organisé que des rassemblements le 29 juin avant d’appeler à une journée d’action… le 12 septembre ! Pourquoi pas en décembre ?

Pire même : dans un courrier aux organisations (voir ci-contre) la confédération s’en prend violemment au Front Social qui tente d’animer une résistance, quoiqu’on pense par ailleurs de son rôle.

 

2)    Les ordonnances Macron sur la loi Travail

 

On ne pourra pas dire que Macron nous aura pris par surprise. Les ordonnances étaient annoncées depuis la campagne électorale, et la loi Travail XXL était connue dans ses grandes lignes depuis l’époque (et pour cause, il s’agit de valider les articles prévus et retoqués à l’époque de la loi El Khomri, sans vraiment de nouveauté).

La surprise, elle est plutôt du côté des syndicats. Une opposition de façade plutôt molle, même le Figaro s’en gargarise (6 juin 2017) : « En marche vers la réforme ? Mais on ne rêve pas : alors que le premier ministre vient de remettre aux syndicats un projet de refonte de droit du travail - par ordonnances, s'il vous plaît ! -, tous font preuve d'une surprenante et inédite modération ».

De son côté, Mailly (FO) est à fond dans « la concertation constructive », au fond comme la CFDT, mais en plus il s’en vante

 

Du côté de la CGT, aucune réaction de front, aucune opposition claire aux ordonnances ; au départ, sans même s’y opposer, la CGT ne cherche qu’à grappiller quelques semaines. Le Compte rendu de la rencontre avec le Premier Ministre le 29 mai dernier est plus que modéré.

 

Mais la colère est là,  partout. Le souvenir des grandes mobilisations de l’an dernier n’est pas passé, et les faits sont connus, le projet de Macron n’a pas besoin de beaucoup d’explications supplémentaires : plus de précarité, plus de flexibilité, plus de fragilité et moins de droits pour les travailleurs.

Des syndicats se rassemblent autour du Front Social, 20 000 personnes dans 34 rassemblements le 19 juin, ce n’est pas si mal quand cela se fait à côté, voire contre la Confédération. Pour beaucoup de participants, ce sont les seules initiatives qui existent, il est impératif d’être présents vu ce qui nous attend, même si la base ne dépasse pas beaucoup le « Résistons, Contre Macron et ses lois » partagé par tous.

 

De son côté, la CGT attend la journée du 27/06 pour organiser des rassemblements dans toute la France, participation « modeste » quand même, bien sûr un peu plus qu’avec le Front Social – heureusement – mais surtout le public des permanents, directions syndicales, équipes militantes. On annonce 5000 aux Invalides, encore une fois une belle blague, franchement ça commence à nous saouler cette propagande minable sur les participations… Par contre une belle tribune de récupération pour les nouveaux députés du PC et de la FI, comme s’il fallait bien ancrer dans les esprits que la bataille allait se jouer au niveau parlementaire, alors que c’est bien sûr archi-faux (voir l’an dernier) et qu’en plus avec les ordonnances…

Participation modeste donc, mobilisation interne plus que modeste (on voit les boites mail quand la CGT décide de mettre le paquet, et on sait aussi les voir vides…). Et l’appel était triste à pleurer, vous savez cette langue de bois qu’on connaît tellement trop bien, celle qui se veut ronflante dans les généralités pour ne pas avouer qu’on n’a pas envie de faire grand-chose, qu’il s’agit juste de se montrer… Relisez la déclaration du 13 juin : « Depuis plusieurs semaines déjà, la CGT appelle ses organisations à se déployer partout sur tous les lieux de travail afin de débattre avec les salariés, d’élaborer avec eux leurs cahiers revendicatifs, de faire de la 3ème semaine du mois du juin des temps forts d’initiatives et de mobilisations, de profiter de l’été pour aller à la rencontre des saisonniers , des salariés lors des festivals, du Tour de France… » Ouah, tremblez bourgeois, la CGT mobilise…

 

Et tout ça pour déboucher sur une « journée d’actions et de grève » le 12 septembre, on voit le même flou des formulations : « Nous refusons d’ores et déjà d’entendre dire fin septembre que les ordonnances, présentées par le gouvernement, auraient été co-élaborées avec les syndicats ». Non, non, pas grève générale, même une seule journée, comme l’affirme BFM qui ne connaît pas bien les subtilités de la langue de bois CGT.

Quand on sait que la loi de validation doit sortir juillet, que les ordonnances doivent être adoptées au conseil des ministres 20/09, on comprend qu’il est urgent d’attendre et de ne rien faire. Et là encore on nous annonce la présence de la FI et sans doute du PC. Ca ne sent pas bon… On verra ce qu’il en sera de la préparation, il y a à peine deux semaines, sachant que la rentrée scolaire est le 4…

 

De son côté, le Front social propose une nouvelle mobilisation, le 14 juillet à Paris au moins pour l’instant, et il faut en être pour tous les présents, on ne va pas attendre la fin de la séquence comme nous le propose Martinez ?

 

3)    Qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ?

 

Comme le disent certains autour de nous, « il y a un problème, là, à la CGT ». C’est le moins qu’on puisse dire ! Là où c’est plus compliqué, c’est de comprendre de quel problème. Nous en voyons en fait trois, étroitement reliés, bien sûr.

 

D’abord les Illusions sur la légitimité électorale du nouveau président. L’idée qu’il a été élu, qu’il a une majorité, et que donc il a l’appui nécessaire pour ces réformes. La CGT étant parfaitement intégrée dans le capitalisme qu’il ne s’agit que de réformer, dans le parlementarisme et le jeu des élections et des lois, ça paralyse – c’est sûr. Ce n’est pas la première fois que ça se passe, si nos lecteurs ont bonne mémoire : lors de l’élection de Sarkozy en 2007, beaucoup avaient été très surpris de voir Thibault passer son temps dans les cabinets ministériels, à discuter avec Soubie et cie… Nous renvoyons à un article de 2009 : « Thibault et l’Elysée, toute une histoire ».

 

Ensuite, probablement des illusions sur la relance économique représentée par Macron. A l’heure où  le programme industriel de la CGT se tourne de plus en plus vers des contre projets pour la défense de l’impérialisme, cela fait peut-être hésiter la confédération qui ne voudrait pas trop mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Car la CGT, déjà incrustée dans la défense de l’emploi industriel (voir « défendre l’emploi industriel : le débat ») vire de plus en plus ouvertement dans la défense de l’impérialisme français et de ses monopoles (dernier exemple en date, la participation au Salon du Bourget « Retrait de la CGT du Salon aéronautique du Bourget »  mais aussi l’énergie et le nucléaire, la défense « Livre blanc sur la défense : FNTE et FTM défendent l’impérialisme »). Il y a peu, la Confédération a entrepris de recenser tous les contreplans industriels développés par ses structures – la FTM est bien en pointe ! – dans une carte parlante voir ci-contre...

 

Enfin, et tout aussi inquiétant, voilà que la presse (un article du Parisien, repris par un article de Capital) se met à parler d’une soumission à un chantage sur le financement des syndicats, appuyé sur le fameux rapport Perruchot de décembre 2011 (voir le rapport complet ICI) qui avait fait un beau scandale à l’époque avant d’être enterré. Macron en fait menacerait d’appliquer aux organisations syndicales la loi de transparence dont on voit les  effets ravageurs dans les rangs politiques… Bien entendu tout le monde dément d’une seule voix… Mais Macron a rencontré Perruchot pendant la campagne électorale… Or on sait qu’il n’y a pas de sujet plus sensible dans la CGT (entre autres), journées de formation bidon, gestion des CER SNCF… Et en interne, ces histoires de sous, de petits (ou gros) avantages, de voitures de fonction, de notes de restos, de comptabilité pas claire, il y en a des kilos et c’est hyper sensible. Sur ce blog, nous avons un gros dossier publié, et autant sous le coude, en attente de preuves complémentaires… Alors nous, pas de souci pour la transparence, un bon coup de nettoyage dans ces écuries ne ferait pas de mal !!!

Alors, que Macron ait décidé de « tenir » les syndicats par ce biais, ce ne serait pas plus étonnant que cela, il n’est pas lié au consensus paritaire qui prévaut depuis des années, accepté plus ou moins tacitement par les partenaires institutionnels traditionnels… D’ailleurs, une autre rumeur similaire avait été diffusée dans le Canard Enchaîné du 24 mai, sous le titre « Pommade sur ordonnance » un peu plus tôt avec l’info que Macron « tenait » les syndicats, en particulier FO et la CFDT par le biais du paritarisme…

En fait, la seule question importante, c’est de savoir ce qui se trame et se négocie en coulisse, hors de notre vue, la seule question c’est la défense des intérêts des travailleurs et le refus absolu de toutes les compromissions !

 

4)    Alors ? Plus que jamais, le combat dans la CGT

  • Plus que jamais contre les orientations de défense de l’impérialisme qui sont de plus en plus explicites.
  • Plus que jamais contre les compromissions et les collusions, contre les discussions d’alcôves et de cabinet, pour les mobilisations de masse
  • Plus que jamais pour la défense de l’intérêt des travailleurs et rien d’autre : Non à la loi Travail XXL, non aux mesures qui suivront, organisons notre camp contre les restructurations capitalistes !
  • Plus que jamais le combat ouvert et frontal contre les orientations réformistes dans nos structures, à tous les niveaux !

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commentaires

J
Je n'ai pas encore toutes les infos sur le Front Social mais je soutiens cette démarche de débordement des bureaucraties syndicales. Le Front Social ne doit pas ajouter à la division syndicale et n'être donc pas un énième syndicat sauf si irrémédiablement la CGT avec ses sinécures "restait" les poings liés à l'appareil d'Etat. Rappelons qu'un syndicat est entre deux classes et que la lutte pour son indépendance de classe est un combat politique et syndical comme le conçoit Marx. Tout est fait pour nous rabattre sur la défense de la démocratie bourgeoise, la défense du parlement à majorité réactionnaire et sur une fausse opposition, sur le populisme de gauche post-marxiste de Mélenchon qui entend n'agir que dans le système et ceux du PCF qui dénonce une dérive monarchiste au lieu de combattre l'Etat des monopoles. La seule dénonciation d'une accentuation du présidentialisme est le voile que se mettent les réformistes pour ne pas affronter le capital... Je suis étonné que d'autres organisations qui se réclament du syndicalisme de classe ne dénoncent pas ce qui est en train de se tramer à notre détriment.<br /> Cette attentisme risque d'être mortifère pour les mois et les années à venir.
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