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24 juin 2016 5 24 /06 /juin /2016 15:56

Vendredi 24 juin 2016

Solidarité financière : la caisse de grève d'Info Com'

 

La protestation contre la loi Travail a pris une nouvelle dimension avec la multiplication des actions, mobilisations et grèves. Elles doivent se propager dans de nombreux secteurs d’activités pour obtenir le retrait de cette loi, véritable régression sociale qui veut supprimer de nombreux droits ! Aujourd'hui, plus de deux Francais sur trois se déclarent opposés à cette loi.  

Depuis le mois de mai, dans de nombreux secteurs et entreprises, les salarié.es ont lancé des grèves reconductibles (raffineries, éboueurs, SNCF, routiers, aviation civile, RATP, dockers, ADP…) sans oublier les étudiants, lycéens qui continuent de se mobiliser malgré les examens.

Leurs revendications ne sont pas spécifiques à un secteur d’activité : il s’agit d’une grève reconductible qui vise à obtenir notamment le retrait de la loi Travail.   

Pour soutenir les salarié.es grévistes jusqu’au retrait de la loi, nous lançons un appel à la solidarité financière qui sera redistribuée à des travailleurs en lutte en France. Tout salarié, qu'il soit syndiqué ou non, peut bénéficier de cette caisse de grève. De même toute organisation syndicale peut solliciter une solidarité financière dès lors qu'elle s'engage à signer la charte d'utilisation (élaborée avec les donateurs) et qu'elle partage l'objectif du retrait de la loi travail. Enfin, une totale transparence est assurée auprès des donateurs qui sont par ailleurs informés et associés à la gestion de cette initiative.

L’ensemble des sommes récoltées sera reversé à partir du 30 mai aux salarié.e.s en grève reconductible selon les modalités déterminées par leurs représentants.

Depuis un mois, le syndicat Info Com’ CGT (celui des fameuses affiches contre la police…) a pris l’initiative de lancer une caisse de grève sur le Pot Commun (voir ICI).

Gros succès à l’image du rejet de la loi El Khomri, près de 500 000 euros collectés à l’heure où nous écrivons. Les responsables du syndicat expliquent la participation massive des jeunes et des retraités, ceux qui ne sont pas directement touchés par les effets de la loi (du moins son projet), et qui veulent néanmoins marquer leur solidarité en soutenant les grévistes.

 

Cette caisse de grève a été mise en place par le syndicat CGT Info Com’ seul, ensuite rejoint par la CGT Goodyear, la CGT Air France et le SIP. Elle est régie par un appel (voir l’encadré ci-contre) et une charte des utilisateurs qui n’est pas publique – enfin nous ne l’avons pas trouvée et n’en avons pas connaissance.

Cette initiative montre plusieurs choses :

  • Que la solidarité est une arme, et qu’elle n’est pas un vain mot. Le succès est là, la leçon est à retenir.
  • Que la Confédération CGT n’a pas de caisse de grève et que c’est un gros problème, à tel point qu’elle se fait doubler (voire ridiculiser) par un syndicat offensif et déterminé qui prend sa place au vu et au su de tout le monde. Les conflits internes entre fédérations (il y en a qui s’opposent farouchement à toute caisse de grève, eh oui…) doivent être réglés au plus vite. Et il semble bien d’un autre côté que la votation ait plus d’importance pour la confédération que la solidarité aux grévistes…
  • Que l’appel comporte nombre d’aspects positifs, comme son côté intersyndical, comme sa destination vers l’ensemble des grévistes, syndiqués ou non, comme la distribution sous la responsabilité des syndicats locaux.

Voilà donc les points d’appui et de critiques qui vont servir d’expérience pour le futur.

 

Néanmoins, on ne peut passer sous silence les problèmes que cette initiative soulève.

  • L’appel affirme une totale transparence. Nous saluons le principe affirmé, tous les camarades ayant eu l’occasion de mener une grève dure et longue savent que c’est une question hyper sensible et que si elle est mal traitée, elle laisse ensuite de lourdes séquelles. Par exemple les grévistes de PSA, qui avaient déjà récolté plus de 300 000 € ont toujours eu le souci d’être parfaitement clairs sur la collecte et la distribution des sommes aux grévistes (voir les articles sur ce conflit ICI).
    Par ailleurs, de son côté la Confédération n’a jamais fait preuve d’une clarté sans reproche dans les collectes de soutien qu’elle a pu relayer (par exemple au niveau international), dont jamais aucun compte n’a été donné. Il y a donc de quoi être circonspect dans sa manière de gérer une telle affaire…
  • Cela dit, la transparence affirmée ne reflète pas forcément la réalité. Nous nous permettons de poser quelques questions en forme de poil à gratter :
    • L’initiative a été lancée par Info Com’. D’où sont ensuite sortis la CGT Goodyear, la CGT Air France, puis le SIP ? Pourquoi eux et pas d’autres ?
    • Quelles sont les relations avec la Confédération autour de cette caisse de grève ?
    • Comment apprécier la confusion totale autour de cette caisse de grève, certains en arrivent à annoncer n’importe quoi, que c’est une caisse de la CGT, que Wamen de Goodyear est à l’origine etc. (voir ci-contre) ? N’y a-t-il pas des clarifications publiques nécessaires, par exemple sur le site de la collecte ?
    • L’appel parle de « donateurs associés à la gestion ». Qui sont-ils et comment ont-ils été désignés ?
    • Quelle est la composition exacte et individuelle de la Commission Financière de Contrôle qui gère cette caisse de grève ? Transparence nécessite aussi responsabilité et clarté, car on n’imagine pas de responsabilité floue et collective sous couvert d’étiquettes syndicales. Cela doit être rendu public, tous les donateurs passés et potentiels doivent être informés.
    • Pourquoi la charte d’utilisation n’est-elle pas rendue publique ?
    • Quels sont les critères (priorités, montants, choix) de la répartition ?
    • Quels sont les « frais » annexes de la caisse de grève ? Par exemple les 11 000 € minimum qui vont être versés à la banque BPCE, gestionnaire du Pot Commun (2,9% de frais bancaires). Y a-t-il d’autres frais ?
    • Les distributions actuelles (voir sur le site d’Info Com’, ICI) indiquent qu’en gros 180 000 euros ont été versés au jour où nous écrivons. Les destinataires (à leur demande, on a bien noté) sont : les Cheminots (Austerlitz, Trappes, Versailles, Saint-Lazare), Amazon, Le Havre, Routiers du Nord, TIRU Ivry, Postiers 92. Pourquoi ne voit-on apparaître aucune raffinerie, Donges, Fos, Feyzin ou ailleurs ? Y aurait-il un bug ? L’initiative ne ferait-elle pas l’unanimité ?
    • Comment apprécier l’initiative parallèle quand même très confidentielle de la Confédération associée à la Fédération de la Chimie qui a popularisé ensuite son propre compte de solidarité (voir ci-contre avec le RIB de versement), effectivement utilisé par certaines structures, avec une transparence pour le coup absolument nulle (quelles sommes recueillies, qui gère, qui distribue, à qui, etc.) ? Contrefeu (en tous les cas la critique à la caisse de grève est explicite) ?

Qu’on se comprenne bien. Nos questions n’ont pas pour but de « torpiller » une initiative positive à bien des égards. Mais si l’on veut construire, maintenant et plus tard, des solidarités solides, fiables et de confiance pour tout le monde, il ne suffit pas de bonne volonté et de faire un « coup » médiatique.

Il faut mettre en place et respecter des règles claires. Là, on est quand même largement dans le flou artistique, au-delà des déclarations de bonne volonté…

Maintenant, dans la mesure où des sommes importantes restent en jeu, il va falloir serrer les boulons !

 

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commentaires

E
Comment et ou remettre ma contribution de solidarité avec les grévistes et la C.G.T.
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A
Vous oubliez de préciser que derrière l'intitulé "Postiers 92", se trouve SUDPTT92. Cela signifie qu'une organisation de la CGT constitue une caisse de solidarité qui contribue à financer une organisation "concurrente" d'une point de vue de la représentativité. Je rappelle qu'il ya au sein de la CGT une Fédération chargée aussi des activités postales. et dans le 92, un syndicat départemental CGT-Fapt. Il ne m'appartient pas ici de m'exprimer en son nom, mais on peut imaginer son opinion face à cet état de fait.<br /> Votre conclusion, écrite de façon fort diplomatique, semble indiquer que vous ne sous estimez pas l'ampleur et la gravité des dérives contenues dans cette initiative.
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