Mardi 6 octobre 2015
Air France : la révolte des "ressources humaines"
Ah, on n’a pas fini d’en parler… Il paraît que les images ont fait le tour du monde, suscitant la colère des réactionnaires, et le soutien et l’enthousiasme des exploités ! C’est sûr, voir deux hauts cadres dirigeants fuir la colère des prolétaires, vêtements en lambeaux, ça se regarde en boucle comme une gourmandise au dessert… D’ailleurs, on vous remet les vidéos pour que tout le monde puisse en profiter.
Hier, pour la première fois dans l’histoire du groupe Air France, les grévistes se retrouvaient tous métiers confondus pour dénoncer le n-ième plan de restructuration (« transform », « perform », et autres « destroy » à venir…), celui-ci agrémenté de l’annonce de 2900 licenciements. 2500 manifestants devant le siège à l’occasion du CCE, du jamais vu quasiment dans l’histoire de l’entreprise. La colère, l’exaspération, le ras-le-bol.
Le CCE investi et interrompu, les cadres dirigeants molestés et réduits à la fuite – rien de bien neuf dans l’histoire du mouvement ouvrier, mais quand même rares par les temps qui courent.
Donc tout d’abord, bravo aux camarades d’Air France.
Ils ont fait la une des médias, l’actualité du monde entier, ils ont montré la colère des prolétaires confrontés aux restructurations – ils ont défendu l’intérêt ouvrier, et rien d’autre, comme nous avons l’habitude de la dire sur ce blog. Rien à foutre des arguments économiques, de la diplomatie et des manœuvres du prétendu « dialogue social », cette énorme plaisanterie destinée à nous enfumer.
Bravo aux camarades d’Air France qui ont tombé la veste (lol !) pour indiquer à tous les cadres dirigeants et autres, qu’ils ne sont pas dupes et qu’ils savent où sont les camps, et qui défend quoi.
Un DRH, c’est un directeur des « ressources humaines ». Celui qui gère la force de travail, comme le directeur financier gère les ressources financières, ou le directeur de la production qui gère les matières premières. L’ouvrier, le prolétaire réduit à l’état de marchandise, au gré des marchés, de la concurrence mondialisée, des restructurations.
Les travailleurs d’Air France ont retourné le gant : ils ont montré à la face du monde entier où étaient la masse, la colère, le peuple et sa révolte. Et nous n’aurons pas une larme pour les deux cadres molestés (et ils survivront – eux).
Une nouvelle fois, bravo ! Reste maintenant bien sûr à s’attaquer au gros morceau, la restructuration elle-même, les 2900 licenciements annoncés, et le combat ne fait que commencer. Mais c’est un premier pas qui frappe les esprits, et qui d’ailleurs a fait flipper tous les bourgeois, les patrons comme les ministres !
Retour sur l’événement. Valls dénonce et demande des sanctions : mais on sait bien dans quel camp il est, non ? L’UNSA et la CFDT dénoncent, mais on sait bien dans quel camp ils sont, non ?
Mais pour nous, sur ce blog, ce qui nous intéresse, c’est la réaction de la CGT de l’entreprise (voir leur site et leur Facebook). Et là, pas top… La CGT a condamné les violences à plusieurs reprises, par tract comme dans les interventions dans les médias. Nous joignons le dernier tract du syndicat trouvé sur Facebook, et l’interview de Mehdi Kemoune sur BFMTV (ci-dessous en fin d'article)… chacun va pouvoir se faire son idée.
Les dents grincent, c’est le moins qu’on puisse dire.
Certes la CGT reconnait la violence principale de l’entreprise et des restructurations, c’est bien le moins. Mais pour néanmoins renvoyer toutes les violences dos à dos ("condamnables") et en appeler au dialogue social…
Comment condamner ce qui s’est passé ? Comment condamner l’exaspération des prolétaires assommés d’un plan de restructuration à l’autre, et désormais promis au chômage ? Comment un syndicat qui se dit ouvrier peut-il en arriver à condamner la réaction (certes spontanée et non organisée) de ceux qu’il est supposé défendre ?
Nous ne jetterons pas la pierre aux dirigeants CGT qui ont participé à l’exfiltration des deux cadres en question : le rapport de forces actuel, à Air France comme ailleurs, ne permet pas au mouvement ouvrier et syndical d’assumer ce niveau d’affrontement, et il faut aussi protéger les salariés contre les représailles inévitables.
Mais par contre, nous ne pouvons accepter la condamnation de ce qui s’est passé. C’est pour nous une honte de voir que les dirigeants de FO ont cette fois eu une attitude plus correcte, quoique moins médiatique, en refusant cette condamnation. Et ce n’est sans doute pas un hasard si les médias ont ouvert leurs micros à la CGT, tellement satisfaits de voir un syndicat se désolidariser de la réaction ouvrière…
En d’autres temps, on affichait fièrement le mot d’ordre « On a raison de se révolter ! », et cela reste notre drapeau.
Il faut ensuite transformer la colère et la révolte en conscience et en organisation, c’est certain, c’est le travail des syndicats et de la CGT au premier chef. Mais cela ne peut se faire en s’opposant à la juste colère des travailleurs.